Source : lemonde.fr avec Agences en ligne le 25 avril 2011
Les forces de sécurité syriennes tirent à Deraa
Plusieurs personnes ont été tuées et d’autres blessées à Deraa, dans le sud de la Syrie, où « plus de trois mille » membres des forces de sécurité appuyés par des blindés ont pénétré lundi matin, selon des militants des droits de l’homme.
Il y a « des morts et des blessés », a indiqué un militant ayant pu entrer en contact avec Deraa. Il a ajouté que les habitants ne pouvaient pas confirmer le nombre de morts car « les corps sont dans la rue et ils ne peuvent pas les récupérer ». « Des snipers ont pris position sur les toits et les chars sont dans le centre-ville », a-t-il ajouté. Un témoin indique que huit chars sont déployés dans la vieille ville et que plusieurs cadavres gisent dans la rue.
Par ailleurs, au moins 13 civils auraient été tués par balles, dimanche, à Djabla, ville côtière de l’ouest de la Syrie, par les forces de sécurité et les milices loyales au président Bachar Al-Assad, rapporte lundi l’Observatoire pour les droits de l’homme syrien. Les forces syriennes se sont déployées dans le vieux quartier sunnite de la ville, où avait eu lieu une manifestation en faveur de la démocratie au cours de la nuit précédente, ont précisé des militants des droits de l’homme ayant des contacts à Djabla.
Selon l’organisation indépendante des droits de l’homme Saouasia et un militant, les forces de sécurité ont également fait une descente dans la maison d’un médecin, Zakraiya Al-Akkad, qui avait évoqué peu avant sur la chaîne de télévision Al-Jazira la situation à Djabla.
La répression du mouvement de contestation sans précédent du régime de Bachar al Assad, qui a succédé en 2000 à son père Hafez, au pouvoir pendant 30 ans, a fait depuis le 18 mars environ 350 morts et des dizaines de disparus, selon des militants des droits de l’homme.
La contestation contre le régime syrien est née à Deraa, où des dizaines de de personnes ont été tuées lors de la violente répression des manifestations par les services de sécurité.
APPEL À LA SUPPRESSION DU PARTI UNIQUE
Quatre personnes ont aussi été tuées dimanche par les forces de l’ordre à Jableh, près de Lattaquié, dans le nord-ouest du pays, selon un militant des droits de l’homme. Le nouveau gouverneur de la région s’était rendu dans cette ville pour y rencontrer des dignitaires à la mosquée. C’est après son départ que les forces de l’ordre ont encerclé la ville et commencé à tirer, a souligné ce militant.
Peu après, quelque trois mille habitants de Banias, une ville située à une cinquantaine de kilomètres de Lattaquié, ont organisé en solidarité un bref sit-in sur l’autoroute reliant Lattaquié à Damas, selon l’Observatoire des droits de l’hommes syrien, situé à Londres
Des milliers d’habitants de la province de Deraa ont par ailleurs enterré, dimanche, plusieurs victimes de la répression, après la prière. Une manifestation a suivi sans que les forces de sécurité interviennent, a précisé un militant. Les protestataires ont brandi des drapeaux syriens et des pancartes appelant à « la suppression de l’article 8 de la Constitution » relatif à la suprématie du parti unique Baas, a-t-il ajouté sous le couvert de l’anonymat. La majorité des commerces étaient fermés en signe de deuil.
La répression des manifestations hostiles au régime a fait au moins 120 morts, vendredi et samedi, en Syrie, selon une liste nominative compilée par le Comité des martyrs de la révolution du 15-Mars. Ces derniers jours, les services de sécurité ont effectué des descentes dans plusieurs villes, arrêtant des militants hostiles au régime, ont indiqué des témoins et l’opposition. Dimanche, selon des militants des droits de l’homme, une dizaine de personnes ont été arrêtées notamment à Damas, Homs, Deraa, Lattaquié, Hasaka, Deir-es-Zor et Alep. Dans un communiqué, cent deux intellectuels et journalistes ont condamné « la pression des autorités syriennes » et appelé les journalistes travaillant dans les médias officiels à démissionner.